« Nous devons en revenir à l’essentiel, sinon c’est notre système de soins de santé même qui tombera gravement malade. »

« Nous devons en revenir à l’essentiel, sinon c’est notre système de soins de santé même qui tombera gravement malade. »

27 juin 2019

Rin : « Voyez-vous, j’éprouve toujours autant de plaisir à faire mon travail. J’aime résoudre des problèmes pour des patients ou des collègues, et chaque fois que j’y arrive, je me sens heureuse. Lorsque j’interroge des candidates infirmières sur les raisons pour lesquelles elles choisissent ce métier, je reçois souvent la même réponse : "C’est quelque chose qui est en moi, je suis douée pour les contacts humains, j’aime aider." Mais aujourd’hui, je rencontre de plus en plus d’infirmières qui s’inquiètent de la charge de travail notamment. Il faut absolument agir pour combattre les causes de ce désenchantement qui nous menace. À défaut, nous en arriverons à ce type de situation que moi-même en tant qu’infirmière je ne voudrais vivre à aucun prix et dans aucun hôpital. »

Ces paroles, c’est Rin qui les prononce, elle est pour ainsi dire née avec une blouse d’infirmière. Elle a obtenu son diplôme en 1978, un vendredi, et le lundi, elle entamait sa carrière de soignante. Et elle n’a jamais abandonné, l’idée ne lui a même pas traversé l’esprit. Son travail est sa raison de vivre, comme l’affirme le cliché. Nous écoutons ce qu’elle-même a à en dire à l’occasion de la publication des activités de l’année 2018 de l’UZ Brussel. Car les chiffres recouvrent en fait les efforts humains.

« Il y a eu beaucoup de changements depuis mes débuts. Avant, la majeure partie du travail d’une infirmière se déroulait autour du lit du patient. C’était moitié hôtel, moitié hôpital : 50 % du temps étaient consacrés aux soins proprement dits et le reste à différentes missions qui concernaient plutôt le confort et l’occupation du patient. Aujourd’hui, une infirmière doit être multifonctionnelle et polyvalente. Ce qui n’est pas un problème en soi.

Mais j’observe deux évolutions qui m’inquiètent beaucoup.

D’abord, notre motivation intrinsèque est menacée. Je peux accepter le constat qu’un nombre croissant de patients estiment que tout ce que nous faisons est normal "parce que nous sommes payées pour". Il y a de moins en moins de respect pour notre dévouement, c’est une réalité. Par ailleurs, le patient paie un montant en hausse constante et ses attentes augmentent d’autant. Mais ce qui est plus grave, c’est qu’on nous détourne toujours plus de l’essence de notre mission, à savoir les soins à apporter au patient. La multiplication des contrôles des pouvoirs publics par le biais d’enregistrements de toutes sortes nous oblige à passer énormément d’heures devant un ordinateur et monopolise trop de notre temps précieux. Et cela frustre tout le monde, et pas seulement les infirmières.

« Nous avons l’habitude de travailler avec trop peu de moyens »

En deuxième lieu, nous avons l’habitude de travailler avec trop peu de moyens. À l’instar de ce qu’il se passe dans la société au sens large, où un nombre toujours plus grand d’activités sont condensées sur un laps de temps qui ne change pas, nous devons nous aussi effectuer de plus en plus de missions dans un délai identique. Ce qui exige beaucoup de formation, d’expérience, de compétences et de connaissances. Nos responsabilités envers nos patients sont devenues encore plus importantes que par le passé. Pourtant, dans le même temps, nous devons nous occuper d’un nombre accru de personnes avec des effectifs réduits en raison d’innombrables mesures d’économie, et c’est le cas partout dans les soins de santé. Ce n’est plus tenable. Cette situation menace la finalité du pourquoi nous nous engageons : les soins aux patients. Je suis une infirmière chevronnée et je conserve tout mon enthousiasme, même si mon mari estime que j’exagère. Il arrive que les jeunes résolvent le problème en se montrant un peu moins appliquées qu’espéré. Pas parce qu’elles le veulent, mais parce que le temps manque pour nous acquitter correctement de tout ce qu’il faut faire à tous les niveaux, il faut donc chaque fois fixer des choix et des priorités. Nous sommes beaucoup à vouloir nous investir à fond, mais trop peu nombreuses pour pouvoir tout mener à bien convenablement. Or, au niveau des soins de santé, ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons, nous les infirmières. Nos malades doivent bénéficier de soins qui sont et resteront excellents !

Le moment approche donc où en ma qualité d’infirmière, je ne serai plus disposée à travailler dans n’importe quel hôpital. Je répète sans cesse à mes collègues qu’elles doivent bien s’occuper d’elles, qu’elles doivent faire en sorte que leur métier reste un plaisir, qu’elles doivent profiter de chaque moment positif et essayer chaque jour d’obtenir le meilleur pour leurs patients et elles-mêmes. Il y a des périodes où nous croulons sous le travail, c’est normal et je ne m’en plains pas. Mais on dirait que dans les organisations de soins, l’arc de tension reste tendu en permanence, ce qui n’est pas sain du tout. Dans notre secteur, la motivation positive, l’engagement et l’enthousiasme des prestataires de soins se heurtent de plein fouet à une réalité d’économies ininterrompues, ce qui engendre une certaine désillusion et parfois un sentiment de "je n’en peux plus". Nous avons besoin de plus d’infirmières, mais aussi d’en revenir à l’essentiel, s’occuper des personnes, sinon c’est notre système de soins de santé même qui tombera gravement malade. »

Voici l'aperçu des principales activités de 2018.

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Rin Scheers Rin Scheers
Rin Scheers
Infirmière
Rin Scheers est infirmière et fait partie de l’équipe du département infirmier de l’UZ Brussel. L’hôpital emploie 3800 collaborateurs, dont 1500 infirmières.

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