Le diagnostic, un produit de luxe !

Le diagnostic, un produit de luxe !

21 mai 2019

Il est souvent question de listes d'attente lorsqu'on parle de troubles du développement. Nous n'en débattrons pas cette fois. Mais nous parlerons du prix que les enfants et les parents paient au sens propre comme au figuré pour un diagnostic, toutefois s’ils peuvent se le permettre...

Est-ce toujours normal ? Votre enfant est-il en échec scolaire, madame ? Est-il rebelle à la maison ? Pleure-t-il beaucoup ? Se met-il en colère ? Est-il frustré ? A-t-il des difficultés à s'exprimer et est-il maladroit ? L'école ne sait plus comment s'y prendre et vous non plus ? Oui, vous pouvez certainement vous inscrire pour un diagnostic dans notre centre. Votre enfant est-il âgé de 8 ans et vit-il en Flandre ? Dans ce cas, cela coûtera entre 600 et 800 euros, madame. Oui, vous m'avez bien compris. Mais nous vous offrons la possibilité de souscrire un plan de paiement, madame. Oh oui, si vous vous étiez inscrite l'année dernière ou si vous aviez habité à Bruxelles, vous n'auriez payé que 69 euros.... 🙁

Un investissement rentable

Dyslexie, TDHA, difficultés en arithmétique, autisme... Tout le monde en a entendu parler ou connaît quelqu'un dans son entourage qui souffre d'un trouble du développement. La caractéristique de ce trouble réside dans le fait que plus le diagnostic est établi tôt et le soutien démarre rapidement, meilleurs seront les résultats. Cela produit également des effets à long terme, par exemple sur l'emploi, le fonctionnement émotionnel et social, la délinquance, la vie de famille, la consommation de médicaments. Pour entamer un parcours de soutien ciblé, il convient d'abord d'identifier correctement le problème. Et donc, de poser un diagnostic. Un diagnostic de qualité des troubles du développement est multidisciplinaire. Ce n'est qu'ainsi que le développement de l'enfant pourra être évalué de manière approfondie à tous les niveaux de développement (motricité, langage, cognition, etc.). Ce bilan multidisciplinaire comprend 10 bonnes heures d'examen et d'entretiens et quelques heures de consultation et de présentation de rapports.

Un diagnostic ? Hors de prix !

Mais pour certaines personnes, ce diagnostic est inabordable. Une source de frustration à laquelle, en tant que directeur du Centrum voor Ontwikkelingsstoornissen (Centre pour Troubles du développement) de Bruxelles, je suis quotidiennement confronté. Une frustration que je partage avec de nombreux parents et collègues.

Jusqu'à la fin de la première année scolaire, les enfants peuvent se rendre au Centre pour Troubles du développement pour un diagnostic. Là-bas, la contribution parentale – soutenue par les subsides de la Communauté flamande – s’élève à maximum 69,42 euros pour un bilan multidisciplinaire complet. Les enfants, de la première année scolaire à la fin de l'enseignement secondaire général, peuvent – s'ils résident dans la Région de Bruxelles-Capitale et sont inscrits dans une école de l'enseignement néerlandophone – s'adresser au COS+. Là, la contribution parentale – tout comme au COS – s’élève à un maximum de 69,42 euros. Et cela grâce au financement supplémentaire de la Commission communautaire flamande qui nous a été attribué. Un financement par projet. Année après année, on évaluera si cette subvention doit être maintenue ou non.

Discrimination en fonction de l'âge et du lieu de résidence

L’accessibilité financière du diagnostic varie donc en fonction de l’âge de l’enfant et de son lieu de résidence. De plus, l'accès au diagnostic, pour un grand groupe d'enfants, dépend aussi des moyens financiers des parents. Les parents souscrivent déjà un plan de paiement uniquement pour identifier le problème, sans même penser aux coûts que la rééducation et l'accompagnement de l'enfant entraîneront durant des années. L'autre solution consiste à « laisser les enfants se débrouiller et être frustrés » !

« Je n'ai pas les moyens, madame »

Encore une inscription hier. Pour un garçon de 14 ans, qui a changé 4 fois d'école, suit des séances de logopédie depuis 2 ans, a été soumis à moitié à un diagnostic en première et cinquième années, mais le soutien qui s'en est suivi n’avait pas donné les résultats escomptés. L'école indique qu'il devra refaire son année malgré son zèle et sa volonté (« 7 manquements dans le bulletin de Noël, et plus que 5 dans le bulletin de Pâques »). Le Centre Psycho-Médico-Social demande un diagnostic et des conseils pour offrir un soutien ciblé. Famille composée de 4 enfants, résidant à Grammont (Geraardsbergen). En Flandre. « Je n'ai pas les moyens, madame. Dans ce cas, mon fils devra refaire son année. Mais pas dans la même école. Je vais donc à nouveau l'inscrire dans une autre. » Nul besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour ressentir l'effet que cela peut produire sur l'adolescent. Et comment cela hypothèque son présent et son futur. Il est également possible de procéder autrement.

Appel aux politiciens !

Les ministres compétents actuels admettent le problème et ont déjà déployé des efforts considérables afin de le résoudre, mais c'est clairement insuffisant.

Il suffit que vous ayez la malchance de vivre en Flandre, que votre développement soit différent et que vous avez passé l'âge préscolaire. Les soins doivent être accessibles à tous les enfants et transcender le communautaire. Un enfant belge doit pouvoir bénéficier des mêmes soins de qualité au même prix abordable partout dans tout le pays. Politiciens de tous partis, unissez-vous ! Mettez de côté les intérêts de votre parti et autres, et accordez la priorité aux droits de l'enfant !

Tous les articles de blog publiés sur « L'UZ Brussel a son blog » reflètent uniquement les opinions personnelles de leurs auteurs respectifs.

Eva Cloet Eva Cloet
Eva Cloet
Directrice du Centre pour Troubles du développement (COS)
Eva Cloet a étudié la logopédie et est titulaire d'un MSc en Management et politique des soins de santé. Depuis 2010, elle dirige le Centre pour Troubles du développement de Bruxelles et coordonne le fonctionnement du service de neurologie pédiatrique de l'UZ Brussel. Eva effectue également des recherches dans le domaine de l'organisation et de la politique des soins de santé au sein du groupe « Organization, Policy and Social Inequalities in Healthcare » de l'Université Libre de Bruxelles. Elle travaille actuellement sur une thèse de doctorat sur l'organisation et la politique du diagnostic multidisciplinaire des troubles du développement chez les enfants en Belgique.

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