Maladies rares : un diagnostic rapide s’impose ! Mais…

Maladies rares : un diagnostic rapide s’impose ! Mais…

28 février 2022

En moyenne, les personnes atteintes d’une maladie rare attendent entre 5 et 7 ans pour avoir un diagnostic et consultent de 3 à 5 médecins Comment est-ce possible ? Et comment améliorer cette situation ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : environ la moitié des personnes atteintes d’une maladie rare commencent par recevoir un diagnostic erroné. De ce fait, trois quarts d’entre elles suivent un traitement inefficace. Elles consultent en moyenne de 3 à 5 médecins, 7 % d’entre elles en voient même plus de 10. Il faut plus de 5 années avant que le diagnostic correct soit enfin posé. Malheureusement, 30 % des patients décèdent aussi avant l’âge de 5 ans.

6000 maladies rares, 5 % de la population

Pourquoi est-ce si long ? Pour commencer, plus de 6000 maladies rares sont répertoriées à l’heure actuelle. Leur tableau clinique n’est généralement pas reconnu par les médecins, précisément parce qu’elles sont rares, c’est-à-dire qu’elles touchent moins de 5 personnes sur 10 000. C’est donc un problème de société important, car malgré leur rareté, elles concernent tout de même 5 % de la population. Rien qu’en Belgique, environ 500 000 personnes souffrent d’une maladie rare.

« Un diagnostic rapide peut retarder, voire prévenir leur aspect invalidant »

Pour les patients, c’est un véritable chemin de croix. Un diagnostic rapide serait pourtant susceptible de retarder, voire de prévenir leur aspect invalidant. Certains symptômes se manifestent dès l’enfance, d’autres seulement à l’adolescence ou à l’âge adulte, une fois que le mal est fait.

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Plus d’attention pour les drapeaux rouges

Quelle serait dès lors la solution ? Ce qu’il faut avant tout, c’est accorder plus de place à ce qu’on appelle les « drapeaux rouges » dans la formation des généralistes. C’est-à-dire les symptômes inhabituels ou les combinaisons atypiques de symptômes relativement courants qui peuvent leur mettre la puce à l’oreille. Il faut également prendre au sérieux l’instinct des parents qui leur souffle que quelque chose ne va pas chez leur enfant. Ils ont une bien meilleure vue d’ensemble. D’ailleurs, le médecin devrait lui aussi se laisser un peu plus guider par son intuition. Moyennant une vigilance accrue et l’envoi du patient chez le bon spécialiste, les soins de première ligne peuvent accélérer sensiblement le diagnostic.

« Prendre au sérieux l’instinct des parents »

Quand le plan par étapes des pouvoirs publics va-t-il enfin être appliqué ?

Ce n’est évidemment pas la seule pierre d’achoppement. Dans quel centre le médecin doit-il envoyer le patient ? Nous avons besoin d’indications validées et transparentes pour identifier celui qui convient. En 2014, le gouvernement a rédigé un très beau plan pour les maladies rares, en concertation avec la Fondation Roi Baudouin. Huit ans plus tard, ce plan n’a toujours pas été implémenté par manque de financement. Le diagnostic et le traitement des maladies rares reposent encore entièrement sur la bonne volonté des médecins et des prestataires de soins auxiliaires en la matière. Ces soins sont extrêmement complexes, et les hôpitaux se sont organisés en réseau, mais tout se fait encore sans accréditation. Nous nous qualifions de centre de référence mais en fait, cette dénomination n’a toujours pas été reconnue au niveau national.

Des hôpitaux IKEA ?

Ce flou n’est pas sans conséquence : certains hôpitaux se targuent d’une expertise tous azimuts, ce qu’en néerlandais on appelle les hôpitaux IKEA (Ik Kan Echt Alles, je peux vraiment tout faire). Ce n’est pas le choix que nous avons fait à l’UZ Brussel. Nous avons sciemment décidé de nous spécialiser dans 6 domaines de maladies rares, dans lesquels nous avons acquis une expertise réelle grâce à une population de patients relativement importante. Mais ce n’est pas pour autant que le généraliste n’éprouve pas de difficultés à identifier le centre d’expertise auquel il doit adresser son patient.

Ne pas oublier le principe « éviter le pire » dans l’analyse coûts-bénéfices

Lorsque nous abordons la question du financement, les discussions débouchent rapidement sur le questionnement éthique. Quels sont les coûts et avantages dans le cas des maladies rares ? Nous ne comptons pas évoquer ici le remboursement des médicaments onéreux, le sujet a déjà fait couler assez d’encre. Pour nous, médecins, c’est une évidence : chaque patient a droit à une vie de qualité, et ce droit est loin de toujours dépendre d’un médicament impayable, il est bien davantage conditionné par un diagnostic rapide. Investissons donc plutôt à ce niveau ! Car ce qu’on oublie trop souvent, c’est qu’une intervention au moment opportun et un bon suivi aident des personnes atteintes d’une maladie rare à rester actives et à décrocher ou conserver leur place sur le marché du travail. Investir dans la prévention ou, en d’autres termes, « éviter le pire » s’avère dans de nombreux cas plus utile du point de vue de la politique économique qu’injecter des moyens dans des études sur des médicaments, coûteuses et à l’issue incertaine.

Des symptômes qui commencent dès l’enfance

Pour terminer, nous souhaitons attirer l’attention sur un autre groupe cible qu’on perd souvent de vue dans l’utilisation des moyens financiers, les parents. Dans 75 % des cas, les symptômes des maladies rares se déclarent dans l’enfance. Les soins requis sont très exigeants pour les parents. Malheureusement, ils ne peuvent pas vraiment compter sur un soutien de la société, par exemple des centres de jour qui leur permettent de concilier aspect médical et vie professionnelle. Ou des ergothérapeutes, des logopèdes et des kinésithérapeutes qui ensemble font en sorte que leur enfant bénéficie malgré tout des soins dont il a besoin dans son environnement familial.

C’est une lutte qui doit être menée sur plusieurs fronts en même temps. Ce qui est, hélas, tout sauf rare dans les soins de santé…

Les articles du blog de l’UZ Brussel reflètent exclusivement l’opinion de leur auteur.

Centre des Maladies Rares UZ Brussel


Pr Frederik Hes

Chef du service des maladies rares
Chef de service au Centre de génétique médicale

Le Pr Frederik Hes obtient son diplôme à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas) en 1995. En 2000, il décroche son doctorat, toujours à l’Université d’Utrecht, avec une thèse sur la maladie de Von Hippel-Lindau. De 2000 à 2001, il suit une formation d’interniste. De 2001 à 2005, il poursuit sa formation de généticien clinique au Centre médical universitaire de Leiden. De 2015 à 2019, il est président de la Vereniging Klinische Genetica Nederland (association néerlandaise de génétique clinique).

Son domaine de recherche concerne principalement les tumeurs héréditaires et familiales et en particulier l’amélioration du dépistage et de l’examen périodique des personnes atteintes de syndromes tumoraux héréditaires. Frederik Hes travaille à l’UZ Brussel depuis le 1er février 2019.

Vera Vertessen

Coordinatrice Maladies rares
Infirmière chef de service

Vera Vertessen obtient un bachelier en soins infirmiers en 2004 et un post-graduat d’éducatrice en diabétologie en 2009. De 2006 à 2009, elle suit en outre un master en soins de santé. Elle entame sa carrière au poste de coordinatrice des transplantations à l’UZ Brussel puis passe au service de diabétologie. Elle travaille également 7 années à l’AZ Jan Portaels, où elle fonde une clinique du diabète avant d’exercer une fonction de direction pendant 4 années supplémentaires. En 2021, Vera Vertessen revient à l’UZ Brussel, où elle peut mettre son intérêt particulier pour les maladies rares au service de sa fonction de coordinatrice au centre de référence.

Pr Frederik Hes et Vera Vertessen
Chef du service des maladies rares et Coordinatrice Maladies rares

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